Jean-François Meyan – Château Latuc
Sous le soleil, exactement…
Invitation à la détente après le dur labeur… Des vignes qui tracent impeccablement leur chemin jusqu'à l'horizon… Une pittoresque église du 12ème siècle qui semble veiller sur le site… Un soleil généreux rafraîchi par le Lot, tout proche. Et un incomparable rosé frais pour se désaltérer... Rien que du bonheur.
Le Château Latuc est une exploitation à taille humaine, reprise en 2002 par un couple de bioingénieurs tous deux diplômés de Gembloux (chimie, industrie agricole et horticulture). Situées au bord du plateau, au sud du Lot, à Mauroux, les vignes sont groupées autour d'une ancienne église.
Les vignerons ont un enthousiasme sans cesse renouvelé dans la présentation du fruit de leur travail, dans le seul but de procurer l’objet premier du vin : le plaisir. Un vin distingué par les plus grands spécialistes.
On peut faire du business avec du plaisir,
ce qui est beaucoup plus amusant !
Là-bas, chez eux, dans la tiède région de Cahors, le bonheur est tout simple. Celui du rêve qui se réalise. La vie de vigneron, elle trotte dans la tête de Jean-François Meyan
« Je garde l'image, à Tamines (Sambreville), de mon grand-père qui mettait chaque année en bouteille son fût de Gevrey-Chambertin », se souvient Jean-François. « Et de l'autre côté, à Éghezée, mon grand-père paternel, menuisier, était parfois sollicité par la prestigieuse maison Leymarie pour des réparations de barriques... ».
Ce Taminois des Alloux se découvre rapidement des talents de dégustateur. À la Faculté agronomique de Gembloux, il mélangera raisin et houblon dans les soirs de guindailles, mais c'est l'appel de la vigne qui sera déterminant. Tout comme celui de Geneviève, également étudiante à Gembloux...
Par les petites portes…
Ce beau métier de vigneron, le couple Meyan l'apprendra principalement en Alsace, pendant huit ans (dont un an d’études complémentaires), au sud de Colmar. « Là, on côtoyait d'autres professionnels, des enfants de vignerons. Et on se disait des choses qu'on n'apprenait pas spécialement au cours », se souvient Jean-François. « À la fin, je parlais même alsacien. Nous avons, petit à petit, rencontré de très nombreux viticulteurs, toujours en entrant par les petites portes et en nous faisant un tas d’amis ». Originaire de Natoye, son épouse, Geneviève, partage avec son mari le don des langues. Ils en parlent couramment trois. Bien utile, voire indispensable, dans le métier.
Fin des années nonante, les Meyan prospectent sans relâche. Ils visitent d’innombrables exploitations vinicoles à travers l’Hegaxone. Ils ont besoin de deux habitations car les parents de Jean-François, fraîchement retraités, sont également prêts à se lancer dans l'aventure. « Il fallait aussi des vignes et des installations en état pour produire tout de suite. Les banques n'attendent pas... », grimace l'ex-Taminois. Finalement, les anciens propriétaires du château Latuc, un couple d’Anglais, décident de se défaire de leur superbe propriété. Et c’est la famille Meyan qui en fera l’acquisition. La grande aventure commence… « On a fait directement le choix de la qualité. Si on avait opté pour le vrac, aujourd'hui, on ne serait plus là », assure l'ingénieur agronome.
« Il n’est pas facile de convaincre une banque de vous prêter 1,5 million d’euros, quand vous n’avez rien derrière vous et que personne ne peut répondre pour vous »
L’avantage d’être viticulteur-ingénieur
Selon Jean-François Meyan, « tout viticulteur passionné dans l’âme a la potentialité de mettre au monde de jolis bébés. Par la suite, il s’agit de l’amener dans la bouteille et de savoir le vendre. Quand on est viticulteur, depuis dix générations, de père en fils, on est beaucoup trop centré sur soi-même. En revanche, quand on a suivi une formation ouverte sur l’extérieur, en l’occurrence des études d’ingénieur, on est beaucoup plus à même de discerner de beaux potentiels, de les mettre en bouteille et de les amener dans le verre des amateurs qui les apprécieront, à la fin du long processus d’élaboration ».
Le travail quotidien de viticulteur est très contraignant. Lancer sa propre entreprise et convaincre sa banque en lui proposant un bon business plan, comme un ingénieur est capable d’en élaborer, ne se font pas sans mal.
Une formation pour aller plus loin
« Certes, il ne faut pas faire n’importe quoi. Il est indispensable de maîtriser la physico-chimie. Mais, il importe de pouvoir débrider son côté cartésien pour faire des choses qui, techniquement, en fonction de ce que nous avons appris au cours, sortent de l’ordinaire.
Il faut parfois sortir des carcans qui nous sont imposés telles que les obligations liées aux appellations d'origine contrôlée. Il y a énormément d’autres choses à faire et c’est cette part importante d’ingénieur qui est en nous qui nous pousse à aller plus loin ».
Bien écouter le consommateur
« Ce n’est jamais facile de se retrouver derrière un stand pour vendre son vin, pendant dix heures, de revenir en Belgique, dans le cadre de salons, près de trente fois par an. Mais, les liens qui se créent entre les consommateurs et nous sont tellement agréables et riches. Si j’avais été éleveur, j’aurais ouvert une boucherie à la ferme pour garder ce contact avec la clientèle dont les appréciations et suggestions sont essentielles pour toujours progresser ».
« C’est fou ce qu’un ingénieur peut faire »
« J’aimerais que mon fils Mathieu (15 ans) soit sensible comme moi à tout ce qu'Ingénieurs Belges fait pour promouvoir la profession d’ingénieur. Et il le fait très bien. Il est primordial de relancer la profession auprès des jeunes. Et la sensibilisation doit commencer dès le plus jeune âge ».
« Pas trop de diversions… »
« Les études ne sont pas simples, c’est un fait. Et il y a de nombreuses activités récréatives, en marge de l’université (rires). Mais, si c’était à refaire, je recommencerais. J’ai toujours aimé les maths et les sciences m’ont toujours passionné ».
Prestige 2005, un grand cru élevé en fût de chêne
Ce couple d'agronomes belges, formés à la viticulture en Alsace, signe une cuvée Prestige qui cherche à garder une expression fruitée à l'issue d'un élevage d'une année en barrique. La robe cerise noire annonce un nez où dominent les fruits rouges associés à des notes grillées. La bouche est charnue, soutenue par des tanins très enrobés, dont l'expression demandera encore deux années de patience.
(source : Guide Hachette des vins - 2009)